La violence au sein du couple préoccupe sérieusement le canton de Fribourg. Pour la combattre, le Conseil d’Etat a présenté lundi une série de mesures. Parmi elles, la création d’un poste de médecin aux urgences de l’HFR pour constater les coups et blessures. Ce renforcement du dispositif médical coûtera environ 120'000 francs à l’hôpital fribourgeois. L’an dernier, près de 500 femmes ont été prises en charge dans le canton. Un chiffre en hausse de 15% par rapport à 2016.
PRÉVENTION. Les chiffres sont effrayants: au cours de sa vie, une femme sur cinq est victime de violence dans le cadre d’une relation. L’an dernier en Suisse, 35 infractions liées à de telles violences ont été enregistrées chaque jour. En 2015, 36 décès ont été enregistrés en lien avec ce phénomène, dont ceux de huit enfants. Dans le canton de Fribourg, la police intervient en moyenne plus d’une fois par jour pour des violences au sein du couple. «Cette situation est inacceptable», a tonné hier, en conférence de presse, Anne-Claude Demierre, directrice de la Santé et des affaires sociales.
D’où l’adoption, en juin dernier par le Conseil d’Etat, d’un concept de lutte contre la violence au sein du couple, présenté hier. Une liste de trentetrois mesures (lire ci-dessous) élaborée par le Bureau de l’égalité hommes-femmes et de la famille (BEF) et la Commission de lutte contre la violence dans le couple. Celle-ci réunit les représentants des institutions impliquées: justice, police, centres de consultation LAVI (Loi sur l’aide aux victimes), milieux hospitaliers et services en lien avec la jeunesse, l’action sociale et les populations (y compris migrantes).
Cette commission a été instituée en 2004, année où la violence au sein du foyer est devenue un délit poursuivi d’office. Un signal clair pour affirmer qu’elle n’est pas une affaire privée, mais bien de la responsabilité personnelle de chacun. Un message répété haut et fort, aujourd’hui, par le canton.
Si les souffrances des victimes, notamment des enfants, sont immenses et durables, ce fléau coûte aussi très cher à la société: largement plus de 200 millions par an en Suisse, selon des estimations prudentes (coûts directs et indirects).
Pluridisciplinarité
Ce concept est le fruit d’une réflexion pluridisciplinaire. C’est là la marque de fabrique du dispositif fribourgeois: un fonctionnement pragmatique et participatif, à l’écoute des acteurs du terrain et à la recherche de toutes les collaborations possibles, a souligné hier Geneviève Beaud Spang, responsable du BEF et présidente de la commission.
Mais au fait, qu’entend-on par violence au sein du couple? Selon la définition qu’en donne le concept fribourgeois, elle intervient dès lors qu’une personne exerce ou menace d’exercer une violence physique, sexuelle ou psychique (y compris économique) au sein d’une relation en cours ou dissoute. Elle peut donc intervenir durant une vie commune ou après une rupture et toucher des couples tant hétérosexuels qu’homosexuels.
Déroulement cyclique
D’autre part, elle concerne des personnes liées par un lien émotionnel (d’où la difficulté à récolter des témoignages), évolue dans l’espace privé (normalement synonyme de sécurité) et s’exerce sur une longue durée et avec une intensité croissante (le risque de décès augmente avec le temps). Enfin, l’auteur de telles violences profite souvent d’un rapport de force asymétrique (le risque est moindre lorsque le couple vit une relation égalitaire).
Qui plus est, son déroulement cyclique – on parle de spirale de la violence – déroute souvent les témoins extérieurs: après la montée de la tension puis l’explosion de la violence survient une phase de rejet de sa responsabilité par son auteur (il minimise ses actes jusqu’à faire douter sa victime, qui se met à culpabiliser). S’ensuit une dernière phase de «lune de miel» durant laquelle l’auteur se montre sous son meilleur jour. La victime reprend alors espoir… jusqu’à l’éclosion d’un nouveau cycle.
D’où l’action déterminée du canton et son message clair: la violence au sein du couple a des conséquences graves sur la santé physique et sociale des victimes, y compris des enfants, et touche tous les milieux sociaux. Surtout, elle est interdite par la loi. Une évidence mise à mal par les statistiques dramatiques liées à ce phénomène.
La Gruyère septembre 2018.